vendredi 5 octobre 2012

Ecrire à l'envers !

Un matin, vous découvrez une image postée sur la page d'une illustratrice.
Elle vous touche. Vous vous en imprégnez. Elle s'insinue en vous.
Toute la journée vous ne pensez qu'à ce dessin qui vous souffle une histoire.
Vous travaillez, vous vaquez à mille occupations... et les mots viennent sur l'image. Malgré vous. Alors que c'est autre chose que vous êtes en train d'écrire ! 
Alors que vous n'avez pas le temps !

Le soir arrive, vous retournez la voir. Et là, vous découvrez qu'il y en a d'autres, d'images, qui toutes racontent... qui se suivent et s'assemblent en une parfaite harmonie...
Au-dessous de la dernière, un timide message : "j'ai dessiné et écrit une histoire, mais les mots que j'ai mis ne me plaisent pas. Est-ce qu'un auteur aurait envie de s'y pencher ?

Je me suis proposée. Elle a dit oui.
J'ai prévenue : "Je suis très occupée, je ne pourrai rien écrire avant novembre !"
Adorable, elle a compris.
Le lendemain, j'ai commencé !
Une semaine après, le point final était posé.

Ecrire un projet déjà dessiné. Dans sa totalité. Ecrire à l'envers de ce qu'on a coutume de faire. Et se dire : "Non, ne copie pas l'illustration, ne te laisse pas avoir. Tu ne dois pas la décrire, mais la compléter, la grandir, lui donner une identité."

Ecrire à l'envers c'est faire le travail de celui qui invente les images quand nous lui apportons un texte écrit.
Ecrire à l'envers pour un auteur, c'est écrire un dessin.
Quel travail que le vôtre chers amis illustrateurs ! Quelle responsabilité ! Je l'ai enfin compris ! Quelle difficulté de dessiner des mots !

Voilà un an que j'écris "sérieusement"... avec l'envie d'être éditée.
J'ai commencé avec des textes qui allaient trop loin. Qui, même s'ils étaient bien tournés, ne convenaient pas à de jeunes lecteurs.
J'ai beaucoup appris, au contact d'autres auteurs et surtout grâce aux illustrateurs.
J'ai compris qu'il ne fallait avoir aucune représentation visuelle (ou à peine) d'un texte afin de laisser toute liberté d'interprétation à celui qui dessine.
J'ai appris à organiser mon écriture, à l'adapter afin qu'elle soit plus accessible.
J'ai décidé de ne plus proposer des textes écrits au hasard à un illustrateur, mais de n'écrire que pour lui, pour son trait personnel. Du "sur mesure", en quelque sorte !
Enfin, et c'est peut-être le plus important, j'ai compris qu'il ne fallait aucune hâte. Une fois mon texte écrit, s'il s'agit d'un projet illustré, je le confie au dessinateur... et je l'oublie ! Jusqu'au premier croquis ! 
Un artiste n'est pas une machine. Il est déjà soumis, par la force des choses, à un rythme intense dû aux pressions éditoriales. Alors, je le laisse faire à sa manière... et à son rythme !

Tout ça pour vous dire (oui, je sais, je n'ai pas été très rigolote sur ce post ! Une fois n'est pas coutume !) que ce dernier projet, j'en suis très fière et qu'il provoque en moi une émotion particulière... parce que je me suis découverte, parce que j'ai ressenti une immense gratitude envers ces multiples talents qui nous prêtent leurs pinceaux, à nous auteurs, le temps d'un projet...

Ce dessin qui est à l'origine de tout ce qui a suivi, est l'oeuvre d'Isaly. Je la remercie de sa confiance.
Le projet s'appelle Marie Nuage. Je le porterai jusqu'à ce qu'il soit imprimé... et même après !


Au bord du rivage,
Nagent, nagent les nuages !
Ils font des tâches claires
Dans l’eau de la rivière.
Pêchera ? Pêchera pas ?
Les poissons tournent en rond,
Ils attendent et bâillent.
Les nénuphars s’étirent en long,
Les nuages glissent entre les mailles.
Dans les mains de Marie,
Ne reste qu’un galet gris.