Une jeune fille a fait une
tentative de suicide il y a quelques jours… elle était en classe préparatoire.
Elle s’est « ratée » et passera son existence hébétée dans un fauteuil roulant.
C’est un fait terrible.
Ses parents évoluent dans le milieu éducatif… commentaires du milieu éducatif,
compatissant : « Les classes préparatoires, quelle pression ! Les gamins
jusqu’au bac ne subissent plus aucune pression, pas étonnant que les plus
sensibles s’effondrent ! C’est tellement difficile, les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas
préparés : on ne leur demande plus aucun effort, ils ne savent plus ce que
c’est ! »
Je ne sais pas pourquoi
cette enfant a voulu mourir, mais quand j’entends de telles réflexions, je
m’indigne.
Dans un premier temps,
parce que personne ne connaît les motivations qui poussent quelqu’un au
suicide, hormis ce quelqu’un. Dans un second temps parce qu’il est extrêmement
agaçant, ce foutu, « les jeunes d’aujourd’hui », servi à toutes les sauces pour
se détacher des problèmes qu’on ne peut identifier et par là-même ni
comprendre, ni résoudre.
Enfin, je m’insurge sur le
fond : les jeunes d’aujourd’hui ne connaîtraient plus de pressions dans le
milieu scolaire ? Ils ne feraient plus d’efforts ?
Fred |
Fadaises !
Pense-t-on sincèrement que
l’élève évolue pépère dans une scolarité dépourvue de tout écueil ? Ce cher petit ange, on s'évertue, on le protège...
(Sempé) |
Bigre !
Il serait trop long
d’énumérer les obstacles auxquels ils se heurtent. Ils sont aussi nombreux et
acérés que les récifs de la mer de Chine !
Deux m’intéressent aujourd’hui… le
support et la méthode.
Le support……
Avez-vous
ouvert un manuel scolaire récemment ? Certainement ! Le premier samedi de
rentrée est consacré à recouvrir les livres de ce papier en plastique
transparent, malaisé à manipuler, qui désespère les plus adroits comme les plus
patients ! Avez-vous ouvert les livres de vos enfants ?
C’est joli. Il y a des
couleurs, des polices de caractères ravissantes, des paragraphes, des encadrés,
des images… nos manuels scolaires ressemblent à des affiches publicitaires.
Les connaissances sont
bombardées ici, là, en haut, en bas ! Ça mitraille de toutes parts, mais c’est
aéré. Graphiste quel métier d’adresse ! Il y a des encadrés, des flèches, du vert, du bleu, du jaune… Ça agresse ? Mais non, voyons ! Ne soyez pas
réactionnaires.
Le regard ne sait où se
poser. La pupille s’y perd. Où s’arrêter ? Agression ! Pression !
Tout est classé en « étapes », en « rubriques », en « séquences », en «
évaluations », (Ooooh ! on a même créé un vocabulaire sui generis ! Va falloir
fournir le cd de traduction de ce nouveau jargon dont je parlerai plus bas.) où
est le fond ? Où sont les notions, la base ?
Sauce éditoriale… faut être dans
le mouvement, faut vendre, diantre ! Faut moderniser ! Les bouquins de primaire, comme ceux de collège ou de lycée, sont présentés comme des rayons de supermarché. Où se dissimule le bon produit ? Le
simple, pas cher, pas compliqué, qui correspondrait ici à la fonction première
d’un manuel scolaire : fournir les informations nécessaires et incontournables
à la complète et solide connaissance d’un sujet d’apprentissage.
Apprendre à l'école ce n'est pas un jeu, ce n'est pas "ludique" - même si ça peut l'être ponctuellement.
Apprendre à l'école ce n'est pas un jeu, ce n'est pas "ludique" - même si ça peut l'être ponctuellement.
C’est le progrès, ça ?
C’est une régression. C’est de la décoration du matériel d’éducation.
Le progrès qu’est-ce ?
Certainement pas la ruée sur toutes les innovations ornementales telles ces
pages faussement didactiques, qui, sous prétexte de faire ludique, attrayant,
tape-à-l’œil, j’ose dire, perturbent la connaissance, empêchent toute lecture
autre que superficielle. Les livres scolaires suivent la mode, saviez-vous ? À
la bonne heure, so chic !
Le progrès, ce serait,
c’est, autre chose que le profit de ces quelques-uns, pédagogues des hautes
sphères, bien-pensants académiques, vendeurs d’ouvrages clinquants, tous ceux à
qui profitent le crime. Le progrès c’est éviter de gaspiller les ressources et
permettre le partage. C’est gagner du terrain, pas enjoliver le terrain. C’est
se perfectionner, non se planquer lâchement derrière de fausses priorités
esthétiques et esthétisantes. (Mais peut-être ceci demande-t-il trop d’efforts
? Autant suivre ces futiles « priorités » et décréter ensuite que l’échec est
dû au manque d’investissement des plus jeunes… « Ah ! ces jeunes d’aujourd’hui
» et bla et bla.)
Nos enfants ne sont pas
les indigènes des nouvelles terres du quattrocento à qui on offrait des
verroteries. Respectons-les et considérons-les avant tout tels qu’ils sont, des
êtres en apprentissage, en formation, en devenir intellectuel, en appétit ! Ne
les sous-estimons pas, donnons leur ce qu’ils méritent, des connaissances
claires, précises. Détaillées. Qui partent d’une notion et les guident vers la
compréhension de cette notion.
Les ouvrages scolaires, tels que la plupart sont
conçus, déconcentrent l’élève. Ils s’adressent à des gens déjà porteurs d’une
culture, de certaines connaissances, non à des enfants vierges de cette culture
et de ces connaissances – je ne prône pas une littérature dite « de jeunesse »,
à chacun de décider ce qu’il souhaite lire. Ce serait réducteur et irrespectueux de
décider des lectures d’autrui. Pourquoi un enfant ne lirait-il pas Voltaire en
sixième, Genevoix (mais qui lit Genevoix ?) ou Montesquieu, si ça lui chante ?
Ça l’enchantera d’ailleurs. Mais là n’est pas le propos, on ne parle pas de
littérature, mais d’éducation.
On bâtit des livres scolaires comme des "tout-en-un", des compilations qui nous égarent. Labyrinthiques pages. On feuillette et ne reste rien.
Bref, je m’égare ! Je fais ma petite littérature
moi aussi ! Tout ça pour dire : Sus à l’omniprésence du décor du contenant qui
étouffe, annihile, la valeur du contenu. Je le dis : comment se fait-il que
l’on se souvienne si bien des bons vieux Lagarde et Michard ? Comment se
fait-il que nous, enseignants, nous les ressortions en secret des bahuts où
nous les conservons précieusement pour bâtir des cours « qui se tiennent » ?
Ne
me faites pas plus conservatrice que je ne le suis… n’empêche, c’était
sacrément bien fichu ce genre de Cadillac…
À l’heure des tablettes,
du clavier, du « tout numérique » qu’est-ce qui empêche l’ « Éducation » de
profiter des avancées technologiques dont les élèves (et nous-mêmes) raffolent ? … Pourquoi ne pas utiliser cahiers (car il ne faut pas
perdre la capacité à écrire) et livres (car il ne faut pas perdre la capacité à
tourner des pages !) en ajoutant à ces deux premiers supports, la tablette
tactile connectée à un réseau internet ?
… Appuyer un cours sur une vidéo
(certes il y a Youtube et cie, mais pourquoi pas les ressources inépuisables du
site de l’INA ?), une émission de radio, un article de blog, une chanson, une
image, un livre introuvable (quelques pages choisies sur Gallica…). Le
professeur serait incité à se lancer dans la recherche et cesserait de ne
compter que sur ses connaissances universitaires, respectables oui, mais
insuffisantes et bien éloignées du "terrain". L’élève serait motivé : « maintenant sortez vos tablettes ! »
jouissif à dire, jouissif à entendre !
"Ajouter la tablette" ! Pas "remplacer par la tablette"....... ce serait dommage... |
La méthode……
Parents
d’élèves de sixième, sachez que vous allez vivre cette année de grands moments
de solitude… « focalisations internes », « déictiques »… « schémas actanciels
» ……… Molière et ses Précieuses ridicules feraient presque figures d’amateurs
face au jargon abscons que subissent les « jeunes d’aujourd’hui »… pression,
pression…
Mais, très chère, c’est de
la linguistique, du structuralisme ! Ahahah ! (Faut-il s’esclaffer ? Oui,
jaune.)… « Élève », tu n’es plus, tu es « apprenant ». Tu fréquentes à présent ces
lieux d’éminentes enseignades (hé ! On dit "enseignements" - j'aime mieux "enseignades", c'est mon blog, j'dis c'que j'veux.) pour ingurgiter la masse de ces mots de singe
savant… (idée de titre d’essai : « l’art du vide linguistique, ou comment
masquer l’incompréhension totale des textes »)… mon petit, réjouis-toi, on te file le
trapèze… Oh zut ! on ne t’a pas appris à voltiger…
La linguistique
devient la béquille de l’inculture, le botox de la médiocrité.
« Les jeunes d’aujourd’hui
n’aiment plus lire »… il faut dire qu’on n’apprend plus à lire, mais à
décortiquer… quels enfants, quels que soient leurs âges, n’aiment pas qu’on leur
raconte des histoires ? Si on leur explique comment on raconte des histoires et
pourquoi un auteur éprouve le besoin de raconter ces histoires, peut-être
auront-ils envie de lire… si plus tard, on leur fait remarquer un procédé
littéraire, peut-être alors s’apercevront-il qu'écrire relève d'un travail.
Tout comme lire. Mais que ce travail est passionnant et générateur de plaisir.
Peut-être qu’on ne présente pas assez les livres comme autant de propositions
d'existence, et même d'autorisations à penser.
« Le théâtre est-il
seulement un art de l’artifice et de l’illusion ? », sujet de philo de bac techno……
je tends la verge qui va me frapper, tant pis, je le dis : combien
d’élèves de bac techno fréquentent les salles de théâtre ? La philosophie est
une réflexion critique sur les questions de l'action et de la connaissance
humaine, l’effort vers une synthèse totale de l'homme et du monde. Quel
philosophe a-t-il choisi comme sujet d’exploration celui qu’il ne connaissait
pas ? Nos élèves de terminale technologique ne sont pas des ânes (ce n'est pas ce que je sous-entendais au-dessus. L'inculture est un autre problème.) Ils ne sont pas davantage des
philosophes… on leur présente ce genre de sujet : Pression !
Réaction logique,
indiscutable, des concernés : « la philo, c’est pas pour nous, on n’y comprend
rien, on n’a rien à dire. »
En connaissez-vous
beaucoup des gamins qui n’ont rien à dire ?
Les messieurs dames des
commissions d’examens qui pondent ce genre de sujet devraient veiller à permettre
aux élèves à qui ils le destinent, de « pratiquer » la question pour pouvoir la
traiter : offrir un abonnement théâtre aux élèves et ils vous parleront de
théâtre. Ou du moins, on pourra le leur demander.
Livre de philo... classe de terminale... Chapitre 1. L'inconscient - Texte de Freud - texte de Brouillet - texte de Nazio - texte de Leibniz - texte de Malebranche - texte d'Alain - texte de Popper. + sujet commenté + double page : Repères et distinctions conceptuelles.
Heu .................... vous lancez les gens dans la philo comme ça, vous ? En jetant la pâtée à même le sol ? Où est le cours ? (Celui qui complétera ou résumera celui du professeur.)
Sans notions, comment comprendre ? Sans commentaires, comment progresser ? Comment grimper sur un arbre sans branches ?
Mais je me répète....
Gotlib |
Livre de philo... classe de terminale... Chapitre 1. L'inconscient - Texte de Freud - texte de Brouillet - texte de Nazio - texte de Leibniz - texte de Malebranche - texte d'Alain - texte de Popper. + sujet commenté + double page : Repères et distinctions conceptuelles.
Heu .................... vous lancez les gens dans la philo comme ça, vous ? En jetant la pâtée à même le sol ? Où est le cours ? (Celui qui complétera ou résumera celui du professeur.)
Sans notions, comment comprendre ? Sans commentaires, comment progresser ? Comment grimper sur un arbre sans branches ?
Mais je me répète....
Il y a à dire, il y a à
réfléchir… on demande beaucoup d’efforts aux « jeunes d’aujourd’hui », ils sont sous pression. On ne
leur offre pas la sécurité d’une éducation simple, solide, sécurisante,
reposant sur des bases stables… on leur tend des trapèzes, mais sans filets.
Alors ils s'élancent malgré tout... ils font l'effort, faut pas croire...
Mais.
Ils ne sont ni voltigeurs, ni singes savants…
Il y a des « cirques d’aujourd’hui » dont je n’aime pas le spectacle.
Alors ils s'élancent malgré tout... ils font l'effort, faut pas croire...
Mais.
Ils ne sont ni voltigeurs, ni singes savants…
Il y a des « cirques d’aujourd’hui » dont je n’aime pas le spectacle.