lundi 6 novembre 2023

GUERRIÈRE

GUERRIÈRE

mon nouveau roman ado YA, en librairie.



Texte de 4e
« Je m’appelle Nekeli. Écoute bien ce que je dis, parce que je ne sais pas si j’aurai la force de te raconter une seconde fois. »
Un village loin de tout,
le bonheur et l’insouciance de Soulaï et Nekeli
– deux visages d’une même âme.
Une communauté anéantie,
la terreur et le désespoir des jumeaux
– forcés, brisés, séparés.
Un cœur dévasté, une enfance abîmée, une rage décuplée.
Puissante et déterminée, une guerrière est née.

Extraits

C’était il y a longtemps,
dans notre village loin de tout.
Tellement loin de tout
qu’on aurait dit parfois
que le reste du monde nous avait oubliés.


Je lui ai donné mes yeux, il m’a donné sa bouche, je lui ai donné mon nez, il m’a donné son front, nous sommes les deux visages d’une même âme.


« Toi, même que moi. »
Mon frère a glissé ses pas dans les miens.
« Moi, même que toi », j’ai répondu tout bas.
Le vent a posé
ses frissons sur nos peaux.
Un vent léger, un vent
d’été,
et l’eau cuivrée.


La piste est pleine de bosses et ne s’arrête jamais. Moi, je pose mon regard sur chacune des choses pour essayer de penser comme papa me l’a appris. Dans les détails, avec des mots-rivières qui rendent tout vivant parce que la vie est partout. Même dans l’air et les cailloux. Seulement aujourd’hui, papa est mort. Mama est morte. Lulu est morte. Grand-ma’ est morte. Le village entier est mort. 
C’est impossible de regarder paisiblement la vie et de laisser couler le langage dans ma tête.


On dirait que le temps ne passe pas et pourtant il passe. Le jour devient la nuit, la nuit devient le jour. On massacre les villageois, les villageois meurent. Ça court, ça tire, ça troue, ça gicle, ça supplie, ça se fend en deux, en trois, ça gueule, ça viande partout, c’est notre vie de vivants morts. Le jour on tire rafale, la nuit on recharge.

Voilà.
Voilà la guerre.
Les adultes décident, bataillent, torturent, larguent des bombes. Les enfants meurent.
Qu’est-ce qu’on peut faire, nous, hein ? On n’est rien dans tout ça. Rien.
Personne, nulle part, ne sait qu’aujourd’hui un enfant qui s’appelait Noumou est mort.


L’arbre est le père de l’arbre, son frère ou son voisin. Le grand se penche sur le petit et lui fournit l’ombre et la fraîcheur nécessaires. Aucun ne s’empare du fruit d’un autre, aucun ne tue un autre arbre. Ils vivent, respirent, parlent et dansent comme nous. Ils protègent les êtres humains en purifiant l’air, leur fournissent des remèdes, de la nourriture, des écorces pour se vêtir. Nous sommes nature et la nature est en nous. C’est de cette façon que l’humanité peut continuer à exister.


Lorsque je marche sur un arbre, je ne suis pas Nekeli qui foule une branche de moabi – ou tout autre arbre –, j’échange, je partage avec lui. Je lui demande s’il est d’accord pour m’accueillir, nous devenons frère et soeur de sève et de sang. Une fusion s’opère entre ses veines sous l’écorce et mes veines sous la peau, nous partageons nos fluides, nos résines et nos sueurs. Je deviens l’arbre tout entier, de ses racines à sa cime, des rumeurs de ses branches à ses craquements, ses froissements intérieurs. J’apprends son langage intime, il me permet de retrouver le mien…


Se rebeller, c’est se révolter, refuser d’être docile, résister.
Lutter contre ceux qui oppriment et tyrannisent.
Alors,
pourquoi des tueurs, des persécuteurs,
des hommes qui pillent, saccagent,
brûlent, profanent, et trouent les gens,
se prétendent-ils « rebelles » ?



Ce roman, c’est aussi celui de six personnes que je porte dans mon cœur. Yaoundé, Terese, Gervais, Urmila, Rosalie et Faustin, anciens enfants-soldats, qui m’ont raconté la désespérance de vivre "ce sort-là". Ils m’ont offert leur confiance, leurs histoires, m’ont nourrie, hébergée, consolée… oui, consolée. Parce qu’il m’est arrivé de m’effondrer.
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Il y avait une telle brutalité dans leurs récits, ils avaient tant enduré… Comment trouver les mots ? Comment oser penser à un livre ?
Un soir, j’ai confié mes doutes à Yaoundé et il m’a dit : « Cécile, tu le feras. »
Pour lui, c’était une évidence.
Alors je l’ai fait.
Comme on se jette. À corps perdu.
C’est devenu une urgence, une dépendance, une nécessité absolue. Écrire, ne plus manger, ne plus dormir, ne plus voir, ne plus parler à personne. Chercher les mots. Trouver la voix, le langage de Nekeli… le faire.
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Cette histoire n’est pas uniquement de violence et de larmes. Il y a aussi des mots-rivières, la tendresse d’une sœur pour son frère, un peuple des arbres, un géant Moabi, des rafales de soleil… de l’amour, de l’espoir.
Cela peut sembler mièvre et utopique de parler d’amour et d’espoir, mais j’y crois, j’y tiens, et je le vis… Il y a eu Amal qui nous manque tant... Il y a Yaoundé, Terese, Gervais, Urmila, Rosalie, Faustin et leurs enfants. Il y a Hina qui a illustré la couverture du livre. Il y a celles et ceux que j’aime et qui œuvrent pour raccommoder les mômes. II y a les mômes. Nous sommes une chaîne. Une chaîne humaine.
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Modèle photo ci-dessus : Jade, fille de Yaoundé 💛
Autres modèles : Ouma, Alia, Fatou, Inaya, Chloé, Kayla, Awa, Imani, Lola, Nine, Rubie, Kadi, Bintou, Gladys, Coumba, Naia, Sarah, Zoé, Wanda et Maliha.


Merci @editions_slalom ~ Merci @marion_balalud @m4non_str mes éditrices ~ Merci @ca.ro.l.e et les libraires ~ Merci @nico.caminade ~ Merci @hina.hundt pour la somptueuse couverture ~ Merci à vous, lectrices et lecteurs. Merci pour vos chroniques et vos photos sur Instagram.


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