M'exprimer ici à propos d'une écriture en cours, ça ne m'arrive pas souvent.
Alors pourquoi maintenant ?
Parce que sans doute j'ai besoin de me libérer un peu ce jour de ce roman qui m'enchaîne. Je ne subis pas son joug puisque j'aime l'écrire, mais il m'a tellement envahie tout au long de l'année qu'à présent, alors qu'il est à demi sorti, j'ai envie d'en parler... Un peu comme d'un enfant que l'on sent bouger en soi et que l'on fait vivre au-dehors avant même qu'il soit né.
L'accouchement d'un livre... l'expression fait souvent sourire... Pourtant, c'est bien de cela qu'il s'agit. On le porte, on le fabrique et on le met au monde dans l'extase et la souffrance. Puis on tremble pour son avenir en se réjouissant de son existence.
Ecrire ce roman, c'est à la fois respirer, libérer un tumulte enfoui, résister aux ténèbres, plonger dans un grand hurloir noir et se nourrir d'espoir. C'est avoir peur aussi, parce que j' y parle de la bête humaine, de l'animalité des êtres...
C'est craindre de s'échapper d'une réalité qui voudrait que tout finisse très mal, d'une pente dans laquelle tout devait rouler jusqu'au gouffre... Oser se dire : "Non ! Pas envie que ça s'oriente forcément en direction de l'abîme. Après tout, c'est un roman, j'ai le droit d'aller où je le souhaite, de ne pas rester crédible." Puis aussitôt redouter de faire fausse route, s'alarmer de ne pas respecter les limites que je m'étais fixées.
(Pourtant, quand on y pense... la réalité, elle-même, n'est pas crédible.)
Et puis y'a ta mémoire qui s'en mêle, et celle du gars que t'as façonné... les deux se mélangent. Tu râles, "non, non, c'est un texte qui doit se projeter, une histoire tournée vers l'avenir, interdit de vous rappeler ! Oubliez ! L'homme avance vers l'avant, un pas devant l'autre inexorablement. Il ne peut aller dans le sens contraire, sa cheville n'est pas assez mobile, son pied est muni d'un talon qui se pose volontaire sur le sol et déroule devant lui toute la marche à suivre. Reculer, ce n'est pas naturel."
Mais tu te réponds simultanément :
" Il y a toujours un moment où les tiroirs s’ouvrent et tout en sort, tout déborde et revient. La mémoire, c’est le seul moyen que l’homme a trouvé pour reculer malgré ses pieds qui l’emmènent dans l’autre sens, pour vivre le passé au présent. le souvenir, comme une empreinte indélébile dans l’âme… ressentir à défaut de sentir… La mémoire, on ne peut l’effacer, seul le temps a ce pouvoir, et il lui arrive même de ne pas y parvenir…"
(Pourtant, quand on y pense... la réalité, elle-même, n'est pas crédible.)
Et puis y'a ta mémoire qui s'en mêle, et celle du gars que t'as façonné... les deux se mélangent. Tu râles, "non, non, c'est un texte qui doit se projeter, une histoire tournée vers l'avenir, interdit de vous rappeler ! Oubliez ! L'homme avance vers l'avant, un pas devant l'autre inexorablement. Il ne peut aller dans le sens contraire, sa cheville n'est pas assez mobile, son pied est muni d'un talon qui se pose volontaire sur le sol et déroule devant lui toute la marche à suivre. Reculer, ce n'est pas naturel."
Mais tu te réponds simultanément :
" Il y a toujours un moment où les tiroirs s’ouvrent et tout en sort, tout déborde et revient. La mémoire, c’est le seul moyen que l’homme a trouvé pour reculer malgré ses pieds qui l’emmènent dans l’autre sens, pour vivre le passé au présent. le souvenir, comme une empreinte indélébile dans l’âme… ressentir à défaut de sentir… La mémoire, on ne peut l’effacer, seul le temps a ce pouvoir, et il lui arrive même de ne pas y parvenir…"
Alors... alors ? Que faire quand un personnage a pris vie et que ce n'est plus son créateur qui s'exprime, mais lui, cet être de chair et d'os et d'esprit, qui décide d'agir indépendamment, de devenir maître de son destin ? L'en empêcher ? "Hé ho ! Tu te calmes, toi ! C'est moi qui commande, c'est moi qui t'ai inventé !"
N'est-ce pas cela que je voulais dénoncer ? L'incapacité des hommes à respecter la liberté, la légitimité de ceux qu'ils considèrent comme inférieurs parce que venus d'un pays de misère, ou de guerre... de guerre et de misère ?
Et alors ? Que fais-je, moi, la grande prêtresse du bon respect d'autrui ? Je brime, je contrains, je bâillonne celui qui ne demande qu'à exister sans liens, sans boulet à son pied ! Celui-là que j'ai fait mais qui a l'idée de sa vie. Ce n'est pas mon roman qui m'enchaîne, c'est moi qui le prive de sa liberté !
"Laisse-le vivre ton bonhomme ! Te pose plus de question, n'oublie pas que tu n'es qu'un ouvrier, regarde tes journées laborieuses, rudes, épaisses ! Si tu rêves d'un bel ouvrage, écoute ton personnage, écris ce qu'il veut vivre ! Aide-le à trouver le bon mot, celui qui donne le sens exact de son propos... Il est toi, tu es lui, qu'est-ce que t'y peux ? C'est comme ça, c'est la vie. Finis ce livre, tu verras bien ensuite !" me dit je ne sais qui à l'intérieur de ma caboche en déroute.
C'est vrai, mon bureau est un atelier. Sur la table de travail s'empilent des livres et des papiers, des notes, des tasses de thé. Des reliefs de picorage quand la faim en a assez d'être remisée au fond de son estomac vide... J'y suis arrimée. C'est épuisant d'écrire, c'est s'exiler hors de soi et du monde tout en restant profondément replié sur soi et entièrement à l'écoute du monde. C'est s'empêcher de vivre et ne pouvoir vivre sans. C'est une obsession, un poison, un opium, un amour, un désir, une volupté. Impossible de lutter. Ecrire c'est manquer de temps, de souffle, bondir de joie la nuit, courber les épaules, le lendemain, parce que rien ne va plus. C'est un constant désastre, une perpétuelle apothéose... certains disent que c'est survivre, ils se trompent, écrire, c'est vivre davantage.
Voilà... je me sens mieux, plus en accord, plus sereine. C'était pour retrouver cet état, cette note de blog en plein mois de juillet... sourires...
Pas encore de mots à livrer... une vieille superstition... mais offrir ici les airs, les livres, les hommes et les images qui guident aussi ce roman en cours.... une sorte de playlist de l'été...
Les sons...
(en toute anarchie !)
L'air de La reine de la nuit (Mozart, La Flûte enchantée)
L'air de l'Oiseleur - Papageno (Mozart, La Flûte enchantée)
Duo de Papageno Papagena (Mozart, La Flûte enchantée)
"Falling, catching", Agnès Obel
"Riverside", Agnès Obel
"My blood is burning", Yodelice
"Imagine", John Lennon
"Let it be", The Beatles
Rondeau, L'Air des Sauvages, Les Indes Galantes,
Jean-Philippe Rameau
Gnosienne n°1
Erik Satie
"Buongiorno Principessa", "La vie est belle"
Nicola Piovani
Le Carnaval des animaux, Final
Camille Saint-Saëns
Improvisation - Luth
Yousra Dhahbi
"Hanuman" Rodrigo y Gabriela
"Tête en l'air" Jacques Higelin
"Gas Gas" Goran Bregovic
"La petite marchande de porte-clefs" Orelsan
"Bucéphale" Thomas Fersen
"SDF" Allain Leprest
La danse...
(Récréation !)
Lil Buck, danse - Chorégraphie
Musique : "Burning bone", Lynx
Sergei Polunin, danse - David LaChapelle, Chorégraphie
Musique : "Take me church", Hozier
(Réflexion...)
"Salauds de pauvres"
Interview de Denis Lavant,
pour moi le meilleur interprète de Louis Ferdinand Céline
Entretien Denis Lavant - "La beauté du geste"
Michel Serres
"Je suis pauvre et je vous emmerde avec vos quarante millions"
Images...
(Pêle-mêle...)
© Fabrizio Gatti |
(Tout)