vendredi 10 février 2017

Fil de voyage n°1

Hiver.
Dans mon pays d'étangs, le ciel et l'eau ne sont plus qu'un soupir incroyablement gris. Immensément lent.


De l'autre côté du monde, à l'envers de la terre, il est un caillou. Une pierre à la chevelure de pins verts dressés vers le ciel, entourée d'une mer irréelle.
C'est là-bas que j'ai découvert que le bleu pouvait être chaleureux.




Nouvelle-Calédonie.
J'ai été sur cette île.
En novembre.
J'y ai été pour recevoir un prix... 
J'ai reçu davantage... 
Et j'ai donné aussi.
Partage... partages...

Cadeau des élèves de Laurence, école Suzanne Russier, Nouméa

À ceux que j'ai rencontrés là-bas, j'ai promis un journal. 
Un journal de voyage...
Il est en moi et il est à vivre.
Comment dire...
C'est comme si ce voyage était à venir, m'était familier et n'avait pas encore été.
Comme si je l'avais à la fois vécu, rêvé, et que je l'attendais. 
Étrange rencontre de l'irréalité des choses et de leur évidence, de leur existence.
Une impalpable palpabilité. Une inconstante consistance.
Ma fille disait un jour, à propos d'un lieu sublime dans lequel, justement, elle se trouvait : 
"C'est tellement beau, j'aimerais y être !"


Imaginez.
À bord d'un avion, vous survolez un vaste ventre rond. Vingt heures passent comme un songe joyeux. Il y a vous, le ciel, et là-bas. Vous ne pensez plus qu'à ce sol inconnu où vous allez vous poser.
Vous arrivez...
Et.
Vous êtes chez vous.
Vous ne vous sentez pas étranger.
Vous reconnaissez. Vous retrouvez.
Vous respirez cet air, et en vous quelque chose se libère.
Vous marchez dans l'aéroport. D'un bon pas.
Et rien ne vous surprend.
Et tout vous étonne.
C'est comme si vous veniez de naître.



C'est ce que j'ai ressenti, mes amis de Calédonie, quand je suis arrivée chez vous. 
Je respirais à l'unisson de votre terre. 
Voilà pourquoi il m'a fallu ce temps. Depuis mon retour. Pour parvenir à dire. À exprimer.
Parce que sur ce sol calédonien, aussi incroyable que cela puisse paraître, pour la première fois de ma vie, moi la fille sans racines, je me suis sentie chez moi.


Je voulais vous amuser, rédiger une petite farce à notre image, un miroir de nos rires !
Et ce ne sont pas  ces mots-là qui me viennent !
Je crois que dans ce fil de voyage que je vais vous écrire petit à petit, ici, il n'y aura pas d'ordre et pas de ligne... ce sera notre cœur touche cœur, sorti tout neuf de l'oeuf ! (de cagou ?)

©
Sur votre caillou, on avait le droit d'être ému et de le dire, de serrer l'autre dans ses bras, de ressentir des émotions, d'emplir ses yeux de larmes, le sourire tout autour de la tête et le rire éclatant... d'être soi, en somme, sans avoir la sensation d'être déplacé, trop ceci, trop cela, ou pas assez... 
Ces petits riens qui sont devenus tout, ces petits bouts de vous, de nous,  ces éclats, ces clins ne me quittent plus.



Avez-vous déjà eu la sensation d'être dans une bulle ?
Je suis dans celle que vous m'avez offerte. Généreuses fées, bienveillants Merlin. C'est un espace clos et transparent, infiniment vaste. Qui me protège. Infiniment bleu et chaud et apaisant.



Nous sommes descendus de l'avion, mon fils Jérôme et moi. Vous nous attendiez, au cœur de la nuit.
Nicole avait tressé des colliers de fleurs de frangipanier. Elle les a déposés autour de nos cous. Leur parfum était doux, vos sourires éclatants. Toute ma vie je me rappellerai ces instants.



Ils ont tissé notre premier fil.