Jeudi 3 juillet. 19h00.
Avec Denis Lavant et François Deblock
Lectures spectacles du soir, Collégiale. Sublime, magistral,
théâtral.
Le soleil sur la façade. Pierre sable sablée dorée. Entre
des murs… et des toits. Parfois, dans une fissure, une petite touffe de vert…
la nature a le droit d’aimer les églises.
Haute collégiale. En face : hauts gradins étroits. Vélums en
rayons. Larges. Longs. Dais de soleil dînant. Plusieurs centaines de places…"Céline, par le cuirassier Destouches." François
Deblock, le jeune Louis… Denis Lavant, Céline.
On y est. Tout de suite. Au moment terrible de la bataille
de Poelkapelle. Correspondance inédite du jeune Louis Destouches à sa famille…
C’est un chant d’oisillon. C’est pas méchant pour un sou. C’est tout fragile, émouvant,
juvénile. C’est tout étonné d’être là. ça ne comprend pas trop… L’aime sa
jument, ce bon petit gars… l’aime pas les officiers qui sont bornés… mais
toujours poli et gentil et pas tant révolté. C'est qu'il la trouve vite absurde, cette guerre...
En face. Céline. Parce que c’est Céline, Denis Lavant. Céline.
Rugueux. Les pages du Voyage. Réponse de l’homme à l’enfant… " On faisait la queue pour aller crever"... je cherche…
comment faut-il percevoir cet échange ?… Ce n’est pas une réponse de l’un à
l’autre… Regard ? Parallèle ? Non. Perpendiculaire… En ricochet. L’un ricochant
sur l’autre. Ça va. Ça vient sur scène. Ça se mêle, ça se touche, ça
se pousse. Violent. L’un sur les épaules de l’autre. Le plus vieux sur le jeune.
Le poids. "La môcheté". La Guerre, ça rend vieux, on le sait. Denis Lavant. Il sait par cœur
Céline. Il ne lit pas, il est. Il a la voix qui rocaille, qui
ripe, qui grêle. Je comprends, j’entends, pleure comme une
pierre sèche sous une averse abondante. C’est énorme et confondant et
puissant. Ça coule dans mon intérieur. La seconde d'avant, j’étais
imperméable. Et vlan ! Vlan ! ça me percute de plein fouet. Me pénètre. Milliers
de gouttes de plomb de Louis Destouches et de Louis Ferdinand. Le Voyage, je l’ai lu
deux fois depuis cet hiver… Echos. Echos de Céline. Vlan ! Vlan ! Vlan ! Dans
mon cerveau. La voix de cet homme, avec les mots de cet homme. Et, la voix de
cet enfant avec les mots de cet enfant. Le second devient le premier… Petit à
petit… c’est terrible… Métamorphose. Peur de l’homme. De la guerre que l’homme
fait à l’homme. Céline, Louis Destouches, un, évidemment. Dépucelage. Dépucelage de l'horreur. Je comprends. Le vieux ne répond pas à l’enfant. Le
vieux EST la réponse de l’enfant.
Merde. Putain de guerre de merde. C’est pas une grande
guerre. Genèse de l’œuvre avec ces lettres… Que de naissances aujourd’hui, ai-je
pensé. Ecrire une lettre, c’est naître… c’est se donner à quelqu’un en quelque
sorte, et se donner, n’est-ce pas naître ?
Il faudrait lire souvent des lettres. Car elles permettent
de naître, renaître indéfiniment. La correspondance brave la mort. Victoire des
Lettres. le Verbe. "V".
Quand je lis, quand j’écris, je me sens soudain très vivante.
François Deblock et Denis Lavant |
Applaudissements nombreux. Céline, étrangement, loin de m'accabler, me donne envie de
regarder les turpitudes de la vie en face, sans ciller, et de crier : Vlan, vlan,
VLAN !
Et.
Ecouter. Voir absolument. Ceci : Les riches, d'après Céline, célinien Denis Lavant
https://www.youtube.com/watch?v=aSWp8dC221s
Et. Entendre absolument (bis) :
Aussi, ceci : Interview de Céline... le docteur Louis Destouches... "J'ai cessé d'être écrivain, pour devenir chroniqueur... la vraie inspiratrice, c'est la mort."