Une année derrière nous, une
autre se présente, et ceci indéfiniment… Si vite et si lentement.
© Grímur Hákonarson
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Nous sommes des éphémères. Comme
le papillon (l’insecte éphéméroptère), issu de l’ultime mue d’une larve frileuse
déposée sur le bord d’une flaque. Il s’élance dans le ciel, poussé par un élan
indicible et instinctif, dans l’intense
déploiement de ses ailes membranées… Comme lui, nous suivons cet appel qui nous
enjoint de vivre, d’être.
Et nos vies, à l’image de la
journée de l’éphémère, se déroulent inexorablement, en une période, un espace
fugitif – quand on considère les échelles temporelle et spatiale – entre naissance,
ascension, fulgurance, enfantement, labeur et chute. Disparition. Nous tournons, tournons,
tournons. En accord ou non avec l’espace qui nous entoure.
Un temps. Quelques
mouvements. Et nous ne sommes plus.
Mais d’autres arrivent qui vivront peu ou
prou le même temps, suivis par d’autres, puis d’autres, puis d’autres… Tout est
éphémère, tout est éternel. Tout s’achève et recommence. Tout est inéluctable
dans son renouvellement.
© Y. Arthus-Bertrand
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La nuit, l’éphémère ne la connait
pas puisqu’il naît avec l’aube et meurt quand la première étoile est
perceptible dans la lumière déclinante.
De même, nous ne connaissons pas
ce qui nous suivra. La nuit est pour l’éphémère ce « rien » qui
constitue pour nous l’« après ». Et pourtant, tout est toujours,
toujours, toujours… après ces milliards de milliards d’éphémères qui ont été et que nous
sommes, il y aura. Il y a déjà.
Une année se présente, une autre,
une nouvelle (?) où chacun vivra, tournera, aimera, volera. Cette
nouvelle année n’est qu’un fragment du compte de notre temps - ce dernier, élaboré en toute connaissance (?),
(en toute mauvaise ou bonne foi ?), nous permet peut-être d’organiser (de vivre)
nos existences et de supporter leur fugacité, leur vacuité, tout en percevant
la fragilité de leurs richesses. Chaque année, nous fermons des tiroirs et nous en ouvrons d'autres. Comme si fragmenter notre temps favorisait nos rangements...
(Petit dialogue tombé à propos :
- Que faites-vous dans l'existence ?
- Je suis attrapeur de richesses...
- Et votre filet est bien rempli ?
- Il est percé. Sitôt que j'en capture une, j'ai à peine le temps d'en profiter qu'elle s'est évanouie...
- Vous pourriez la ranimer, je vous assure !
- Et comment ?
- En lui faisant respirer des sels... les sels de la vie.)
Quelqu’un me
disait un jour qu’il n’avait plus besoin de rien, qu’il était plein… je ne l’ai
pas entendu sur le moment. À présent, je comprends qu’il percevait des étoiles
que moi je ne voyais pas. Sa nuit était là alors que chez moi, il faisait (et fait) encore jour.
J'aime quand la lumière irise les
ailes des éphémères et les révèle à nos yeux comme des êtres absolument radieux, mouvants et
émouvants. J'aime la lumière qui frémit à l'intérieur de chacun de nous, qui ne demande qu'à sortir ; elle nous
habite et rayonne. Un sourire, un mot, un geste, un échange, et nous la transmettons. Comme le papillon, qui vibre dans les rayons, ne nous préoccupons
pas de l’ombre du mot « nuit ». Ne soyons pas pleins avant notre heure d'une eau croupie, mais emplis d'une rivière qui s'écoule et se renouvelle...
© Y. Arthus-Bertrand
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« Le rêveur est un doux
dingue inconscient », m’opposera-t-on. Est-ce rêver que ne pas vouloir s’encombrer ?
Ceux-là qui se chargent, vivent-ils mieux ? La nuit, quoi qu’on en pense,
quelle que soit la manière dont on lui résiste, arrive un jour (oh le mauvais bon mot !) On ne peut ni la
prévenir, ni l’empêcher. Est-ce rêver que refuser de vivre dans l’ombre de
ce qui menace. Ou est-ce, au contraire, décider de s’éveiller ? Les
rêveurs sont des réveilleurs. En vérité, je vous le dis. (Sourire !)
© J-Y. Billien
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Je suis intimement persuadée que
ce qui est n’est pas ce qui nous poursuit ou se profile au-dessus de nos têtes,
mais ce qui nous habite, ce que nous en faisons. Ce jour, qui commence à notre
naissance et dont l’issue est proche, est le nôtre. Il nous appartient.
Éphémères nous sommes, mais individus aussi, du latin individuum, indivisible.
Un. Entiers. Entièrement… nous en revenons au rien d’un tout ; aux riens de tout, aimé-je dire.
© Y. Arthus-Bertrand |
Alors, munie de cette réflexion
humble qui n’est que la mienne, ce que j’ai envie de souhaiter aux autres,
comme chaque fin de décembre ou début de janvier, ce n’est pas « Bonne
année ! », mais « Bonne journée ! »
© Y. Arthus-Bertrand
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